En Tunisie, comme un peu partout d’ailleurs, les normes sociales ont la peau dure. Ces normes régissent le quotidien de millions de femmes tunisiennes et les empêchent d’exercer pleinement leurs libertés individuelles que ce soit dans la sphère privée, publique ou professionnelle. Elles dictent la façon dont les femmes doivent s’habiller, se comporter, travailler, leurs rapports avec les hommes, voire même ce qu’elles sont censés penser. Bref, les normes régissent tous les aspects de la vie tout simplement. Ces normes ne sont toutefois pas immuables, ce qui représente une lueur d’espoir pour les femmes tunisiennes et la société dans son ensemble.
En rencontrant Hadda une potière de Aïn Drahem, nous pensons avoir trouvé une personne qui incarne cette lueur d’espoir. C’est une des actrices d’un projet mené par Oxfam en Tunisie en partenariat avec l’association Shanti, une entreprise sociale qui travaille avec des artisans locaux afin de promouvoir le patrimoine national par le biais de sa boutique-atelier L’artisanerie.
Hadda, diplômée des beaux-arts, est à la tête du seul atelier de poterie de Aïn Drahem et même du gouvernorat de Jendouba. Elle décide en 2016 de rouvrir cet atelier spécialisé dans l’argile de Khroumirie, typique de la région. Fondé par son beau-père dans les années 40 cet atelier jouissait d’une grande notoriété. Hadda reprend aujourd’hui le flambeau familial et est maintenant la gardienne d’un savoir-faire ancestral.
Production: Oxfam en Tunisie
L’artisane revient sur ses débuts difficiles, son parcours parsemé d’embuches et la pression sociale qu’elle a dû affronter. Les résistances sont multiples, c’est d’abord sa famille qui la décourage. Viennent ensuite les appréhensions de son mari qui se montre peu enthousiaste, inquiet par le regard de la société. Hadda se remémore les remarques qu’on lui avait adressé à l’époque « Reprendre cet atelier est une tâche impossible, le travail est trop difficile pour toi. C’est aussi trop dangereux pour une femme, l’atelier est situé au cœur de la forêt. Et puis tu seras amenée à travailler avec des hommes».
Hadda fait preuve d’une combativité et d’un courage inspirant pour tou.te.s les entrepreneur.es tunisien.nes. Après un démarrage compliqué, à cause de l’isolement géographique de son atelier et d’un travail qui n’est pas rémunéré à sa juste valeur, elle renoue avec le succès. L’association Shanti, partenaire d’Oxfam, valorise son travail et lui permet d’augmenter ses ventes grâce à sa boutique. Les commandes s’accumulent et Hadda embauche désormais deux personnes qui la secondent dans sa tâche. Avec la réussite économique vient la reconnaissance sociale. Elle parvient à faire bouger les mentalités et à gagner l’estime de sa famille et de son entourage. « Depuis trois ans j’observe un réel changement. Les gens respectent mon travail et me portent de l’estime. Ils n’ont plus la même mentalité ».
Hadda est plus qu’une simple potière, c’est une artisane du changement. Devenir entrepreneure pour une femme en Tunisie est un chemin semé d’embuches. Ces obstacles ne sont cependant pas infranchissables et Hadda en est la preuve vivante.